Boulettes Magazine

Le magazine gourmand de découvertes
TOP
Mères d'exil

Mères d’exil, regards d’artistes à la Cité Miroir

Quand on entre dans le grand bassin de la Cité Miroir, les gilets de sauvetages installés à distance régulière accrochent directement notre regard. En effet, l’exposition Mères d’exil, regards d’artistes aborde une thématique à première vue complexe et lourde d’enjeux. Mais une fois sorti de l’ascenseur (ou monté les marches, parce qu’on sait que vous êtes très sportif), on est tout aussi vite attiré par la qualité et l’impact des œuvres choisies pour l’exposition.

Mères d’exil présente le travail de 30 artistes, de 15 nationalités différentes. Parmi eux, 20 sont issus de l’atelier des artistes en exil, structure d’accueil basée à Paris et Marseille qui a pour mission de permettre aux artistes exilés de continuer à exercer leur art. L’exposition s’étoffe aussi d’œuvres d’artistes de renommée internationale et d’artistes liégeois qui ont choisi l’exil comme source d’inspiration. Avec une multitude de supports (installations, BD, peintures, vidéos, sculptures, créations textiles, photographies…) vous embarquez dans un voyage qui ne vous laissera pas indifférent.

C’est l’objectif de l’asbl MNEMA-La Cité Miroir : mettre en valeur la force des artistes qui ont connu l’exil et qui les pousse à continuer à créer après avoir fui leur pays natal et à dénoncer les raisons qui condamnent des millions de femmes, d’hommes et d’enfants à partir.

Cité Miroir

(c) Pierre-Yves Jortay

Le regard et la voix des artistes

Contrairement à ce qui se fait souvent à la Cité Miroir, l’exposition se veut cette fois-ci plus artistique que pédagogique. On vous conseille vivement de suivre la visite avec l’audioguide, qui donne la parole à chaque artiste pour présenter les intentions placées dans son œuvre et son rapport à la thématique. Au son de leur voix, vous vous rapprochez un peu plus de leur vécu et de leur personnalité, ce qui éclaire de façon toute particulière les créations devant vous. L’exposition ne propose pas de parcours préétabli, ce qui vous laisse libre de déambuler vers là où se pose votre regard et d’explorer les œuvres qui vous attirent le plus.

Le regard sur l’horizon

Le bruit des vagues vous berce tout au long de l’exposition, elles vous rattachent aux conditions de voyage souvent liées à l’exil. Une petite immersion sonore vous est d’ailleurs proposée au début de la visite. Vous y entendez un bateau à moteur, les voix de plusieurs personnes, le cri des mouettes et des vagues, qui vous amènent à une réflexion sur l’incertitude et sur l’espoir que constituent ces traversées périlleuses.

Le titre de l’exposition fait le lien entre la mer, lieu où transitent de nombreux migrants, et la mère au sens métaphorique : les causes, les moteurs et les origines de l’exil. Mais aussi, comme une image affective, il met l’accent sur des sentiments complexes de l’attachement à la terre natale d’un côté et la douleur, le renoncement et la perte engendrés par la décision de partir.

Le regard actuel

Les nombreuses nationalités des artistes sélectionnés nous donnent un point de vue différent sur les nombreux conflits à l’œuvre un peu partout dans le monde. Parmi les créations qui nous ont marqué, les masques d’escrime customisés de Sasha Zaitseva, issue d’une famille russo-ukrainienne du Donbass et étudiante en France pendant l’année 2014. Ce n’est qu’à l’éclatement de la guerre civile qu’elle réalise porter deux héritages culturels séparés et l’impossibilité de rentrer chez elle à la fin de ses études. Ses masques décorés de rubans traditionnels ukrainiens, d’autocollants de grandes marques occidentales et de cartes postales représentant des tableaux bien connus de l’histoire de l’art parlent d’après elle de « comment notre identité culturelle influence notre personnalité et forme notre perception de soi et du monde qui nous entoure ».

Mères d'Exil

(c) Pierre-Yves Jortay / (c) Sasha Zaitseva (c) AAE – Alexandre Kachkaev

Les artistes birmans Wooh et Richie Nath font partie aussi de nos coups de cœur. Le premier pour le trait expressif, ajusté au message de résistance de son peuple contre la dictature militaire qu’il illustre dans ses BD. Le deuxième pour la douceur du trait et les couleurs lumineuses du tableau Mélancolie, qui traduisent ses sentiments ambivalents de réconfort et de tristesse : « Je me souviens avoir pleuré quand l’avion a décollé, parce que même si mes épaules se libéraient d’un poids immense, je savais que plus jamais je ne reviendrais à l’endroit que je quittais ».

Mères d'Exil

(c) Richie Nath (c) AAE – Alexandre Kachkaev / (c) Wooh

Le regard local

Notamment celui d’Adelin Donnay, artiste et habitant de Crisnée qui s’inspire des migrants qu’il observe et côtoie dans sa vie quotidienne : « Moi je ne connais pas la guerre, pas la dictature donc je ne sais pas me mettre à leur place. Moi qui me perds à Bruxelles, si je dois y aller, c’est toute une affaire. Eux, ils sont à des milliers de kilomètres de leur pays, dans un milieu hostile. Je n’imagine pas tous les risques qu’ils prennent pour quitter le danger qu’ils avaient dans leur pays ». Sa série Exodus traduit toute l’empathie de l’artiste pour son sujet.

Ce regard peut être aussi le vôtre, avec la possibilité de donner vous-même votre représentation de l’exil sur une assiette en carton et de participer à l’exposition sur base de l’œuvre de l’artiste irakien Peshawa Mahmood, qui utilise ce matériau en adéquation avec les visages sensibles et instables qu’il peint dessus.

Mères d'Exil

(c) Peschawa Mahmood

Le regard toujours renouvelé

Le bassin de la Cité Miroir est bien sûr l’un des plus beaux lieux d’exposition de Liège, mais par sa présence et son côté imposant, c’est également toujours un défi pour les scénographes, qui parviennent encore une fois ici à adapter et transformer les espaces afin de permettre au visiteur une nouvelle exploration et une mise en valeur exceptionnelle des œuvres.

D’une situation de drame et de douleur, le travail des artistes en exil vous amène à une ode à la vie et à la liberté, celle des êtres évidemment, mais aussi et surtout la liberté d’expression, de contestation et de lutte dont l’art est le formidable outil.

Le regard pratique 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par La Cité Miroir (@citemiroir)

Exposition accessible jusqu’au 28 mai à La Cité Miroir

LU-VE 9h-18h, SA-DI 10h-18h

10 € tarif plein – 8 € tarif réduit, gratuit pour les -14ans. 25€/ groupe pour la visite guidée

Plus d’infos ici

Lire aussi : 

A part le trait d'union, rien ne les sépare (à jamais pour toujours). Marie et Alice, toutes deux historiennes de l'art et archéologues, se sont rencontrées à leur entretien d'embauche . Depuis, elles ne se sont plus quittées. C'est par leur profession dans la médiation culturelle dans différents musées que les deux amies se sont mises à écrire. Et elles adorent ça! En plus de travailler sur des projets en littérature jeunesse, Marie et Alice ont envie de vous faire découvrir la ville de Liège qu'elles vivent, visitent, dansent, boivent et mangent à toutes les sauces, comme les boulettes!