On a voulu savoir si Sandra Kim aimait toujours autant la vie
Il y a 34 ans, Sandra Kim avait une excellente raison d’aimer la vie puisque l’adolescente de Saint-Nicolas remportait l’Eurovision à l’époque où la compétition était encore un fleuron du Vieux Continent. Plus de trois décennies de carrière plus tard, elle n’a jamais raccroché le micro et se raconte avec une honnêteté rafraîchissante. On est Liégeoise ou on ne l’est pas…
À l’écran, l’ado de 13 ans qui se trémousse à côté de l’orchestre est à des années lumières des starlettes prépubères hypersexualisées d’aujourd’hui. Ou à 34 ans d’écart, du moins, en témoignent sa coupe en brosse et son costume deux pièces recouvert de sequins et relevé d’un noeud papillon assorti et de boucles d’oreilles géométriques du plus bel effet. Souriante, dynamique, fraîche, la chanteuse à la voix acidulée a quelque chose d’incroyablement touchant et cette année-là, le jury du Concours Eurovision de la Chanson ne s’y trompe pas: elle l’emporte devant les autres candidats et entre dans l’Histoire. D’abord, en tant que plus jeune gagnante du concours, un record toujours pas égalé à ce jour et qui ne le sera d’ailleurs jamais: présentée par ses managers comme étant âgée de 15 ans, Sandra n’en a en réalité que treize et la polémique entrainée par sa victoire poussera l’Eurovision à changer les règles et à imposer un âge minimum de 16 ans dès 1990. Plus jeune gagnante à vie, Sandra Kim est restée éternellement adolescente dans la mémoire collective, la gamine qui a offert au pays sa seule victoire à l’Eurovision. Un piédestal pas toujours stable pour la native de Montegnée qui a grandi à Saint-Nicolas, en bordure de Liège, à une époque où il ne faisait pas toujours bon être enfant star.
La rançon de la gloire
Vanessa Paradis n’a pas encore explosé sur le devant de la scène avec Joe Le Taxi, qui sortira en 1988, ni dénoncé les affres d’une adolescence sous les feux de la rampe, avec tout ce que cela implique de méchancetés et de moqueries, que Sandra, elle, en fait déjà les frais. « Tout le monde se connaît à Saint-Nicolas et quand je suis rentrée de Norvège, j’ai été accueillie comme une star, tout le monde voulait me voir et les gens ont été très sympa… Ce qui m’a fortement marquée, par contre, c’est que beaucoup de gens qui n’avaient jamais fait attention à moi étaient soudain mes « meilleurs amis », c’est la rançon de la gloire » se souvient la Liégeoise. Une rançon parfois (très) cher payée.
« Le succès, c’est comme la crème fraîche, ça finit toujours pas retomber. Les gens t’adulent pendant un moment, puis quand tu as moins de succès ils se détournent et deviennent agressifs: j’ai subi pas mal de violences verbales quand j’allais me promener à Liège. Le succès d’une petite fille, ça fait sourire les adultes mais les gens de ton âge se disent « pourquoi elle et pas moi » et ils ne t’acceptent pas ».
Malgré les blessures, Sandra ne garde aucune rancoeur et s’enorgueillit de ne pas avoir laissé le succès lui monter à la tête. « Je n’ai jamais changé, ce sont les gens autour de moi qui ont changé. Je suis toujours restée très simple, le succès aurait pu me changer mais je viens d’une famille d’immigrés italiens, on a toujours été très simples chez nous, la famille est sacrée, la politesse aussi et je ne me voyais pas changer les valeurs de ma famille ».
De Sandra Caldarone à Sandra Kim
D’ailleurs, c’est en famille que les Calarone, du vrai nom de la chanteuse, ont fêté sa victoire. « À l’époque, il n’y avait que vingt pays donc en voyant les points augmenter, on sentait bien qu’on se dirigeait vers la victoire, c’était comme dans un rêve, surtout que la Belgique n’avait jamais gagné. Notre délégation était super contente, on était tous arrivés tellement simplement qu’on se demandait un peu ce qu’on foutait là, surtout par rapport à d’autres pays qui avaient un peu le melon, pour ne pas citer la France », rit-elle.
« Après avoir gagné, j’ai quand même trinqué avec une demi-coupe de champagne, mais vu mon âge, je n’ai pas picolé évidemment. Pour fêter ça, on s’est payés des vacances en famille, on n’était jamais allés ailleurs qu’en Italie et là on est partis à Ibiza. J’ai aussi payé une nouvelle voiture à mon papa, pour pouvoir supporter tous les kilomètres nécessaires pour aller faire des galas aux quatre coins du pays ».
Au fait, comment la fille de Giuseppe et Anna, si fière de ses origines, s’est transformée de Sandra Caldarone en Sandra Kim? « C’est long comme histoire, mais pour faire court, dans les années 80, c’était la grande mode des pseudonymes et je voulais quelque chose de très court pour signer des autographes. L’épouse d’un de mes musiciens était d’origine coréenne et s’appelait Kim, son prénom me plaisait donc je l’ai rajouté. Aujourd’hui, je regrette un peu et j’aimerais me produire sous mon patronyme mais tout le monde me connaît comme Sandra Kim et puis ça colle bien à mon personnage ».
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Aucun regret
Un personnage solaire, souriant mais aussi résilient, la chanteuse ne manquant pas une occasion de souligner qu’elle n’a jamais arrêté de chanter et n’a pas touché un seul jour de chômage de sa vie. Même si ça n’a pas toujours été facile: « à l’époque de l’Eurovision, mes parents ont signé un contrat draconien avec un producteur qui disait que je ne devais rien toucher sur les prestations pendant deux ans et zéro royalties pour « J’aime la vie ». La chanson ne m’a rien rapporté financièrement, même le trophée de l’Eurovision n’était pas pour moi mais pour l’auteur de la chanson à la base, mais je ne l’ai jamais rendu après les photos officielles » sourit celle qui coule aujourd’hui des jours heureux dans le Limbourg.
Qui confie ne pas avoir de regrets: « je suis satisfaite de certains projets, il y en a d’autres qu’à refaire, je ne referais pas, certaines pubs par exemple ». Et d’amener ainsi le fameux « J’aime j’aime Mora sur le tapis », en profitant pour rétablir la vérité sur le spot publicitaire au passage.
« Au fond c’est comique, parce que je ne connaissais pas la marque Mora, je ne mange pas ce genre de bouffe et donc je ne savais pas que j’allais tourner une pub pour des fricadelles. Naïvement je pensais que c’était une pub pour des frites, d’ailleurs dans le spot on voit bien que je ne touche que des frites. Quand j’ai vu la pub après, je me suis dit que ça risquait de me poursuivre pendant longtemps ».
Et Sandra de confier avoir eu « beaucoup de peine » et dû faire face à des gens « très désobligeant », dont un malotru qui lui a un jour envoyé une fricadelle en pleine figure en plein gala.
« Au moins, l’avantage des publicités c’est qu’aujourd’hui je suis aussi connue au sud qu’au nord du pays » ajoute, philosophe, celle qui est une vraie star chez nos voisins flamands et y enchaîne les galas. « Mon mari est flamand, mes agents sont flamands, j’ai beaucoup de chance, j’ai toujours beaucoup travaillé au nord du pays. Je ne veux pas vexer mon public wallon, mais être traitée de tous les noms en rue quand j’étais ado m’a traumatisée et je ne vais jamais me balader à Liège, même si je retourne voir mes parents à Saint-Nicolas toutes les semaines » avoue Sandra. Qui partage une dernière confession avant de nous quitter: « honnêtement, aujourd’hui, je ne suis pas fan de l’Eurovision. Je regardais enfant, mais maintenant ça devient ridicule: les chansons ne sont pas toujours très bonnes, les visuels non plus. C’est parfois un peu kitsch, n’ayons pas peur des mots ». Sandra aime toujours la vie, donc, par contre, elle n’aime plus l’Eurovision. Ne lui en veuillez pas…
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