Exode rural : ils ont quitté la campagne pour Liège
Si l’exode rural était la norme à l’époque de la révolution industrielle, la pratique semble plus aujourd’hui révolue… Selon les statistiques de la société Maison Blavier, en 2017, un Belge sur dix seulement était disposé à quitter la campagne pour la ville. Qui peuvent dès lors bien être ces originaux qui ont laissé derrière eux la quiétude de la campagne et des petits villages pour se perdre dans les rues étroites et bondées de la Cité ardente ? On vous conte aujourd’hui l’histoire de quelques-uns de ces nouveaux citadins.
AUDREY, 48 ANS, attirée à Liège par l’amour
L’amour nous pousse souvent à quitter notre zone de confort. C’est ce qui est arrivé à Audrey, originaire de Sprimont. La campagne, elle y est restée après ses études, chez ses parents, dans l’attente de trouver un emploi stable. Mais pas facile de vivre avec sa moitié sous le toit parental : « Ma motivation unique était de m’installer avec ma compagne. Elle souhaitait habiter à Liège parce qu’elle y avait plus d’attaches. Je l’ai donc suivie. »
Pour elle, passer d’une maison familiale avec jardin à un appartement de 45m2 au dernier étage d’un immeuble a été un choc. Mais son regard sur la ville a changé lorsqu’elle a trouvé un emploi stable, au centre-ville. C’est à ce moment qu’elle a commencé à apprécier les côtés positifs de la ville et à se découvrir une âme de citadine.
« Quand je parle de Liège à des visiteurs d’un jour ou à des touristes, j’ai du mal à leur dire quand venir, tant il y a des choses à faire, à voir, à vivre (…) En fait, il faudrait vivre une année à Liège pour avoir une bonne idée de ce qu’est la Cité ardente. »
Depuis ce changement de décor, Audrey note aussi que la ville évolue, ce qui permet de trouver de plus en plus facilement des coins de verdure et du calme ou encore des pistes pour se promener à vélo… même si, pour Audrey, il reste du travail.
Aujourd’hui, Audrey habite une petite maison en Amercoeur qui lui permet de renouer avec la quiétude de sa commune d’enfance, qu’elle s’imagine d’ailleurs bien retrouver lorsque le temps de la pension arrivera.
JEHANNE, 28 ans, éprise de culture
Comme beaucoup, Jehanne a découvert les joies de la vie urbaine lors de ses études. Avant ses 20 ans et son installation en kot, elle vivait chez ses parents à Aubel. « Une petite bourgade rurale et cossue », nous explique-t-elle. « Mes parents s’y étaient installés pour échapper au tumulte liégeois et trouver un peu de calme. Ils n’ont pas été déçus… ».
Pour elle, s’installer à Liège répondait avant tout à des impératifs pratiques : une troisième année d’étude très prenante et la rédaction d’un mémoire, ce n’est pas simple à coupler avec des trajets quotidiens éprouvants. Ses parents lui ont permis de vivre en kot après avoir obtenu son bachelier et depuis, elle n’a plus quitté la ville.
Jehanne avoue aussi la vie sociale de la ville était une autre motivation. Que l’étudiant campagnard qui n’a jamais dû quitter, dépité, une soirée prématurément pour prendre « le dernier bus » lui jette la première pierre. Ce qui l’a convaincue à poser définitivement ses valises en ville ? La proximité et la diversité de l’offre culturelle qu’elle affectionne tout particulièrement. Elle souligne aussi que l’une des particularités de la ville est son honnêteté sur la société actuelle :
« La ville offre une fenêtre sur la réalité (parfois pas très joyeuse), dont la quiétude de la campagne nous préserve. Impossible de rester aveugle à des thématiques comme la pauvreté ou l’insertion lorsqu’on vit en ville. »
Quant à savoir à quel moment elle s’est officiellement considérée comme une habitante du centre-ville, elle nous répond avec humour : « quand j’ai pu établir une offre comparative des night-shops de mon quartier ». Pour l’instant, Jehanne souhaite s’installer avec son compagnon dans le quartier des Vennes… elle n’est donc pas prête de quitter la ville.
DIMITRI, 29 ans, devenu urbain au fil du temps
C’est à 23 ans que Dimitri a quitté le cocon familial de Bomal pour vivre à Liège. Mais son « urbanisation » avait débuté bien avant, par des virées entre amis en train pour les soldes et des allers retours pour les études. Il finit donc par s’y installer en collocation et, enfin, par y acheter une maison. Du coup, le choc culturel campagne/ville a été relativement bien amorti.
Dimitri se souvient toutefois de l’impression de grandeur et de cette inquiétude de se perdre dans la foule. Il est vrai que Liège se transforme parfois en fourmilière, et c’est ce que Dimitri lui reproche encore parfois.
S’il souligne lui aussi cette vision de la pauvreté dont il avait été épargné à la campagne, il regrette avant tout le manque d’espace vert. Pour Dimitri, l’atout majeur de Liège est sa chaleur, « que ce soit au travers des lieux alternatifs, culturels, de la vie nocturne, ou de la mentalité de la plupart des Liégeois », nous explique-t-il.
Une chaleur qui ne l’empêche pas de s’imaginer un jour se rapprocher de la nature sans pour autant s’éloigner trop du centre, pour trouver un équilibre.
GAETAN, 29 ans, toujours pas emballé
Soyons réalistes, certains habitent aussi la Cité ardente par la force des choses et n’en sont guère ravis. C’est le cas de Gaëtan, qui a dû quitter Nismes (Viroinval, dans la Province de Namur) pour Liège dans le cadre de ses études. Il est resté pour son travail et sa compagne. Pour autant, il ne s’est jamais senti l’âme d’un citadin. Tout comme Dimitri, il ne s’habitue pas à la foule, parfois très dense et souvent constante, mais sait apprécier les restaurants, la proximité de son travail et la facilité de sortie apportée par un domicile au centre.
SANDY, 26 ans, citadine depuis son premier « Oufti »
Sandy est au départ une pure campagnarde. Elle a grandi dans les Ardennes, dans un petit village du nom de Tronquoy, « perdue entre les vaches et les sangliers » jusqu’à ses 15 ans. Quand l’envie de se lancer dans la photographie a commencé à la titiller, ses parents, d’un soutien sans faille, l’ont envoyée à Namur où elle a pu vivre en kot dès l’âge de 16 ans. Après ses secondaires, elle débarque à Liège pour ses études.
Même si l’amour a pu jouer les entremetteurs entre elle et Liège, Sandy l’assure : si elle est restée, c’est parce que la Cité Ardente a gagné son cœur.
Ce qui l’a le plus choquée lorsqu’elle a découvert la vie urbaine ? L’impolitesse des gens, mais aussi le code de la route bien spécifique à la ville, « la joie d’un carrefour et de son vacarme d’insultes ». Mais ce qui l’a charmée, c’est l’accueil incomparable, la proximité et l’accessibilité des commerces (de jour comme de nuit).
Quand on lui demande quel était le moment où elle s’est considérée officiellement habitante de Liège, elle nous répond : « La première fois que je me suis entendue dire « Oufti », c’était intense »
Si elle ne se voit pas vivre au centre-ville toute sa vie et que la campagne lui manque, elle trouve aujourd’hui à Liège tout ce qui lui faut et s’y sent chez elle … ce qui est le plus important.
GEOFFREY, 40 ans, tombé amoureux de l’ouverture d’esprit urbaine
Geoffrey vient d’Erezée, dans les Ardennes. Il y a vécu jusqu’à son arrivée à Liège à 18 ans pour ses études. Ce déménagement lui a permis de rencontrer beaucoup de monde, et de changer de vie. C’est l’ouverture d’esprit de la ville qui l’a amené à ne plus jamais quitter le centre-ville :
« J’ai rencontré plein de gens beaucoup plus ouverts qu’à la campagne. Je suis gay et cela a été beaucoup plus facile à vivre en ville. »
Côtoyer des gens qui avaient des amis gays dans leur entourage sans que cela ne pose problème à personne, ça a été pour lui une révélation. En 2008, il finit par acheter une maison à Liège. Quand on lui demande les avantages de Liège, il nous répond sans ambages : « La brocante de Saint-Pholien! Les quartiers de Liège, avec leur spécificité et leurs jolies maisons. On dit souvent que Liège est laide et je ne suis pas d’accord du tout ! »
Coté inconvénient, il nous explique qu’un jardin en ville ne vaut pas la proximité de la nature apportée par la campagne, où il espère un jour avoir une seconde habitation. Mais il compte bien garder Liège comme lieu de résidence principal.
Lire aussi :