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Maggie De Block, victime politique du COVID-19

La crise du COVID-19 a fait ses premières victimes politiques

S’il y a bien une chose à retenir sur les aspects politiques de la crise du COVID-19 dans notre pays, c’est qu’elle ne réussit pas – mais alors pas du tout – à la ministre fédérale de la santé Maggie De Block.

A cause de sa gestion du matériel médical (ces fameux « masques » de protection) et son style direct parfois dérangeant, les appels à la démission de la ministre se sont multipliés ces derniers jours sous différents formats: pétitions en ligne, groupe Facebook du personnel soignant et même une carte blanche de la secrétaire nationale de la CSC, Véronique Sabel. Le dernier coup de couteau provient du président de la N-VA, Bart De Wever, qui estimait hier que la pénurie d’équipements médicaux de protection devrait faire l’objet d’une commission d’enquête.

Car être ministre de la santé en cette période de crise sanitaire est tout sauf une promenade… de santé.

Notre voisin Bruno Bruins, le ministre néerlandais de la santé, en est un bel exemple. Epuisé par des semaines de travail sans relâche, le ministre s’est écroulé au parlement le 18 mars en plein débat sur sa gestion de la crise du COVID-19, et a remis sa démission au roi le lendemain. Mais dans d’autres pays, la démission du ou de la ministre de la santé est liée directement à sa gestion politique de la crise sanitaire.

Maggie De Block, victime politique du COVID-19

En Equateur, la ministre de la santé Catalina Andramuño Zevallos a remis sa démission au président le 21 mars. A ce moment-là, ce pays andin comptabilisait 532 cas déclarés de contamination et 7 décès dus au COVID-19.

Dans sa lettre de démission, la ministre règle ses comptes et accuse son gouvernement de ne pas lui avoir donné les moyens financiers nécessaires pour affronter la crise sanitaire qui affecte son pays. Elle met également en avant l’incompétence de certains fonctionnaires au sein de son ministère. La réponse du gouvernement équatorien ne s’est pas fait attendre et il l’a accusé en retour d’une mauvaise gestion de la crise, entre autres du matériel médical (dans ce pays, ce sont les kits de dépistage qui font la une). Le parlement national équatorien s’est aussi saisi du dossier et a convoqué l’ancienne ministre afin qu’elle vienne rendre des comptes sur sa gestion de la crise.[1]

Lire aussi: Le CHU appelle aux couturières pour pallier la pénurie de matériel

Maggie De Block, victime politique du COVID-19

En Roumanie, le ministre de la santé Victor Costache a démissionné le 26 mars alors que son pays comptait pas moins de 1029 cas de contamination et 23 décès.

Suite à une interview télévisée où il affirmait que toute la population de Bucarest (près de 2 millions d’habitants) allait être testée, le ministre s’est trouvé sous le feu des critiques devant l’impossibilité de la réalisation de ce dépistage. Le ministre a présenté sa démission le lendemain de cette interview mais les médias nationaux affirment qu’il aurait été poussé à la démission par le premier ministre lui-même. Qui plus est, les médias roumains affirment également que le gouvernement aurait voulu l’écarter à cause de sa gestion de la crise et – ici aussi – des polémiques concernant l’achat de matériel médical.

La dernière victime politique en date nous vient d’Ecosse. Catherine Calderwood, la chief medical officer (sorte de consultante médicale en chef du gouvernement) a démissionné ce dimanche.

En cause, des informations dans la presse révélant qu’elle s’est rendue avec sa famille dans sa seconde résidence, à près de cinq heures de voiture de son domicile à Edimbourg. Quelques jours plus tôt, elle menait encore campagne dans les médias écossais pour que la population ne se déplace pas vers ses résidences secondaires… Elle s’est excusée publiquement de son manque de jugement et en a tiré les conclusions qui s’imposaient.

Etre ministre de la santé en temps de crise sanitaire est tout sauf un long fleuve tranquille.

Les semaines (voire les mois) à venir seront cruciales pour de nombreux ministres de santé de par le monde. Il est fort probable que le COVID-19 laisse des traces indélébiles dans de nombreuses carrières politiques et que la Belgique ne fasse pas exception. Car les cas équatorien et roumain partagent certains traits communs avec la polémique qui concerne actuellement Maggie De Block.

Maggie De Block, victime politique du COVID-19

Outre le fait que tous ces ministres (et leurs remplaçants) soient également médecins, la (mauvaise) gestion du matériel médical s’avère centrale dans leur survie politique. Est-ce que la nomination de Philippe De Backer en tant que responsable de la task force en charge de l’approvisionnement des dispositifs médicaux permettra à Maggie De Block de vaincre cette malédiction ? Seul l’avenir nous le dira…

[1] Pour la petite histoire, le ministre équatorien du travail, Andrés Madero, a démissionné le même jour que sa collègue en charge du portefeuille de la santé. Le ministre a en effet été déclaré positif au COVID-19 et avait déjà annoncé en janvier vouloir démissionner pour raison de santé.

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Photo de Maggie De Block: capture d’écran RTBF

Régis Dandoy est un politologue belge (ULB) spécialisé dans les questions de fédéralisme, décentralisation et politique comparée. Il est professeur invité à l’Université Libre de Bruxelles et à l’Université de Lille ainsi que chercheur adjoint à l’Université de Waseda (Japon).