Avec les restaurateurs qui ont fait de la crise une opportunité
Depuis de longs mois, le monde de l’Horeca belge tout entier est en berne au gré des (re)confinements et autres mesures sanitaires. Tout entier? En Principauté, d’irrésistibles restaurateurs liégeois imaginent des solutions aussi savoureuses que créatives pour faire face à la crise.
Depuis l’automne 2020 et l’annonce du reconfinement et de la fermeture après seulement quelques mois d’activité de l’Horeca, tous les restaurateurs du pays ont dû s’adapter. Fini, de bouder l’emporter et de faire le gros dos en attendant que ça passe: l’ennemi COVID-19 était décidément déterminer à gâcher la sauce pendant longtemps encore et il s’agissait de s’adapter. C’est ainsi qu’en périphérie liégeoise, des restaurateurs qui avaient attendu sagement au premier temps du confinement, qui pour peaufiner sa formule, qui pour ne prendre aucun risque de contamination, ont imaginé des menus à emporter qui enchantent les papilles de la périphérie.
Le sublime homard au 5 épices du Bonheur Simple, à Embourg? À déguster dans votre salon moyennant quelques clics et 40€. La cuisine contemporaine de la Maison Snyders, à Oupeye, ou la gastronomie italienne de haut-vol de l’Osteria Bacetto, à Verviers? À déguster à domicile aussi, en attendant de pouvoir retourner sur place. À Nandrin, peu avant les fêtes de fin d’année, Maxime Guldentops et son équipe du Jacob’s ont offert un délicieux cadeau anticipé aux viandards en manque en dévoilant une formule à emporter faisant la part belle aux pièces maturées. Un défi de taille, relevé avec l’aide d’un restaurateur parisien qui a accepté de leur transmettre les secrets d’une côte à l’os aussi sublime sortant d’une cuisine professionnelle que réchauffée à la maison par Monsieur et Madame Tout-le-monde.
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Depuis, le restaurateur, qui est également à la tête du Riva, de l’enseigne de street food hellène Griik et depuis peu, de l’Altro Maccheroni, a aussi élargi son offre à ses autres établissements, avec, à chaque fois, la volonté de surprendre le client. C’est ainsi qu’à l’Altro, on peut commander des pâtes, certes, mais aussi des pains garnis et une lunch box exquise, tandis que le Riva s’est lancé dans le Riv-Away, à emporter chaud ou froid avec corner épicerie en prime et que le Jacob’s, en marge de ses pièces de viande alléchantes, se la joue friterie de luxe sur le côté, avec vol au vent au coucou de Malines et boulet à la liégeoise bon comme celui de mamy. Le fil rouge de toutes les initiatives lancées par Maxime Guldentops dans ses différents établissements?
« L’envie de proposer une offre plus adaptées à l’emporter chaud, à manger rapidement ou directement et qui s’adapte aux bourses malheureusement affaiblies de la plus part d’entre nous »
Et s’il salue la réponse de sa clientèle, qui a démontré « présence et soutien » à ses établissements préférés, Maxime confie toutefois que l’emporter n’est qu’un moyen de « rallonger la période de coulage en espérant une réouverture avant l’immersion totale. Mentalement c’est de plus en plus difficile » avoue le restaurateur, qui n’a qu’une hâte, « travailler, revoir la clientèle et mes équipes et rendre vie à mes entreprises ». Même si à l’heure d’écrire ces lignes, la date de cette éventuelle délivrance se fait toujours attendre. Alors parce qu’il faut bien vivre, nombreux sont les restaurateurs qui comme lui, redoublent de résilience et d’ingéniosité pour tenter de s’en sortir tout en régalant les clients. Epicerie, brunch crapuleux, plateaux de fruits de mer ou burgers de luxe: gros plan sur cinq adresses liégeoises qui ont su adapter la recette de leur succès à cette période bousculée.
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Thomas Troupin, épicerie haut-de-gamme et délices à quatre mains
L’ouverture du ¡Toma!, nouveau terrain de jeu du chef étoilé Thomas Troupin, était attendue de pied ferme depuis des mois, et le chef avait une date précise en tête: le 7 janvier, jour de l’anniversaire de sa maman. Sauf que le (re)confinement en a décidé autrement et qu’il a bien fallu s’adapter pour satisfaire les gourmets dans le respect des mesures sanitaires. La solution trouvée par Thomas Troupin? Potentialiser l’écrin de son nouveau restaurant, dans ce qui était l’ancien Jardin des Bégards, pour ouvrir l’épicerie la plus chic de la ville.
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« Le restaurant était prêt aux alentours du 15 décembre, et l’idée initiale était de faire de l’emporter pour les fêtes de fin d’année, histoire de rôder la cuisine et d’imprégner le lieu en attendant l’ouverture. Quand le gouvernement a annoncé une fermeture au moins jusque mi-janvier, on a réfléchi à une autre formule parce qu’on s’est dit que ce serait bête d’ouvrir juste pour les fêtes puis de fermer pendant des mois. J’avais envie de soutenir mes producteurs et de faire parler d’eux tout en permettant à l’équipe de se rôder, et l’idée d’ouvrir une épicerie éphémère nous est venue très rapidement »
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L’occasion de mettre ses producteurs à l’honneur, mais aussi de renouer le contact avec les clients, « notre moteur ». Un pari gagnant: bruissante d’activité durant la période des fêtes de fin d’année, l’épicerie du ¡Toma! ne désemplit pas le samedi, jour d’ouverture hebdomadaire, et il faut s’y rendre tôt pour goûter à certains délices. « On ouvre à 14h, et c’est déjà arrivé qu’à 14h07, une tarte à la cassonade entière ait déjà été vendue » sourit Thomas Troupin, qui propose en outre sa célèbre truite fumée maison, du pain réalisé par son équipe, un pâté de canard, foie gras et truffe en croûte fleurie accompagné de pickles d’oignons séchés mais aussi une soupe à l’ortie qui a acquis un following culte en quelques semaines seulement, à l’image de ce client qui vient en acheter six bouteilles tous les quinze jours.
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Dernière addition en ce début 2021: une formule apéro, comprenant mignardises salées préparées à la commande et cocktails, ainsi que de délicieux « quatre mains », inaugurés avec l’ami Jonathan Servais, du Moment, qui a composé avec Thomas une des pizzas rurales dont il a le secret. Si le succès est au rendez-vous, comme nombre de restaurateurs, Thomas Troupin confie être en manque de l’adrénaline du service, manque en partie comblé par ses paniers apéritifs: « ils sont dressés minute donc on retrouve l’adrénaline et le plaisir de la cuisine de l’instant, c’est ça qui fait qu’on aime notre métier ». Un métier qu’il a hâte de retrouver pour de vrai, avec le plaisir de dresser une assiette, l’amener au client et savourer sa réaction. Continuer l’épicerie une fois que l’Horeca pourra rouvrir? « Je ne pense pas, je n’y ai pas vraiment réfléchi… Je réponds à chaud, mais je pense que dans le futur, ça pourrait me plaire de continuer à vendre des produits en parallèle du restaurant. Tu m’as peut-être donné une idée ». Affaire à suivre…
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Au Moment, l’heure est à la pizza rurale et aux cookies de Marie
Derrière le Moment, un duo de restaurateurs passionnés, unis en salle et à la ville, Marie et Jonathan Servais. Boulimique de projets et récemment couronné de succès après avoir repris les cuisines de son restaurant entre les deux confinements, ce dernier n’était pas du genre à rester sans rien faire en attendant que l’Etat lui donne le feu vert. La solution imaginée par ce partisan d’une cuisine intuitive? Laisser parler sa créativité en imaginant une « pizza rurale », proposée du mercredi au samedi en terrasse du Saga. Une terrasse devant laquelle il n’est pas rare de voir une file de gourmands masqués, attendant sagement de pouvoir repartir avec leur Marguerite, une Margherita « 100% liégeoise de par sa confection et ses produits ».
« Nous avions envie de proposer quelque chose en take-away qui soit authentique, savoureux et facile à manger en rue. La cuisine habituellement proposée au Moment se prêtait peu à cet exercice de rue alors on a eu l’idée de décliner la pizza qu’on proposait en entrée du menu Jonas Bro au restaurant »
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Une idée saluée par la critique, tant et si bien que le couple de restaurateurs compte bien proposer sa Marguerite à la carte à la réouverture: « l’idée est de garder l’esprit « street food » mais en utilisant des produits très réfléchis ». Comme ceux utilisés dans la confection des cookies de Marie alias Maya, proposés en parallèle de la pizza au Saga. « Ils étaient les stars de notre JONASBRO réalisé lors du premier confinement. Maya les réalise avec des produits gourmands qui les rendent savoureux et très réputés maintenant ». Comme leurs pizzas: « on en trouve partout mais pas des comme ça, et pouvoir la déguster en rue et que celle-ci soit composée de produits locaux et bios la rend d’autant plus gourmande ». Si les restaurateurs confient que leur activité rurale « ne permet pas de combler le manque à gagner. Elle permet néanmoins de rester actifs et de garder un contact avec la clientèle. Elle permet aussi de découvrir des métiers que nous ne connaissions pas, pizzaiolo c’est un vrai métier de dingue, souvent sous-estimé mais tellement plein de richesse ».
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Et si pour l’instant, Jonathan Servais a à coeur d’apporter un peu de chaleur aux passants du centre, il avoue en souriant se réjouir de pouvoir à nouveau accueillir ses convives au chaud. « Nous sommes en réflexion complète de notre système de fonctionnement qui se dirige vers une formule encore méconnue mais chut, suite au prochain épisode ». Et en attendant, vous reprendrez bien un petit cookie?
Chez Pinart, deux restaurateurs valent mieux qu’un
Ici aussi, c’est un couple de restaurateurs qui est aux manettes, ainsi qu’à celles de leurs deux autres établissements, Ma Ferme en Ville et Mio Posto. Et si ces deux derniers sont restés sur une offre à emporter plus en phase avec ce qu’ils proposaient déjà pré-COVID, soit des brunches copieux et locaphiles pour Ma Ferme et le meilleur de l’Italie gentiment twisté chez Mio, pour continuer à faire vivre Pinart, bar à vin préféré des branchés, il a fallu ruser. D’abord, en adaptant à l’emporter le brunchic qui affiche complet chaque dimanche, en prenant les contraintes de transport en compte: compliqué de proposer leurs succulents oeufs à la sicilienne à emporter sans perdre en qualité, mais l’offre déclinée par Marie Doutrepont et Gabriel Caridi version COVID-friendly ne laisse pas à désirer pour autant, loin de là.
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D’autant que les restaurateurs ont eu la délicieuse idée, en plus du brunch, de proposer leur formule BUNCHIC, soit des buns gourmands pouvant se consommer à la maison sans perdre en qualité, d’autant qu’il s’agit ici sans flagornerie de burgers parmi les meilleurs de Liège, particulièrement celui au schnitzel.
« On a souvent proposé un burger ou l’autre à la carte depuis notre ouverture, et c’était un souhait de développer cette facette street/comfort food de notre cuisine. À l’heure où nous devons tous nous réinventer, ça semblait une évidence d’aller dans cette direction »
Une évidence qui a tellement plu que « la proposition va être conservée à la réouverture, mais probablement pas dans son intégralité car nous avons d’autres surprises gourmandes à offrir à notre clientèle ». Et Marie et Gabriel de souligner que « lancer un « nouveau » concept en plein confinement n’est pas chose simple, surtout avec ce contexte anxiogène, mais les retours ont été plus que positifs. Je pense d’ailleurs qu’on a donné des idées à d’autres, les burgers pullulent un peu partout maintenant on dirait » sourient les restaurateurs.
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S’ils sourient de la concurrence, la situation, elle, ne les amuse plus depuis longtemps. « L’emporter nous permet juste d’éviter de couler. Quand on prend en compte tout l’investissement, et la marge énorme des plateformes de livraison, la marge devient ridicule. C’est surtout une manière de ne pas se faire oublier, et croyez le ou pas, payer les factures, ça nous soulagerait grandement! ». Autre soulagement? Celui, proche ils l’espèrent, de retrouver bientôt leur clientèle et leurs projets. Car plus que des restaurateurs, « nous sommes des entrepreneurs à la base, on se réjouit de reprendre notre vie et de continuer à créer, c’est notre moteur ». D’ailleurs, en attendant, le couple a imaginé deux nouvelles formules alléchantes, « un cassoulet de fou pour le weekend du 5-6-7 février, avec un chef de Bruxelles qui nous prête son savoir faire, ainsi qu’une box apéro terrible où tout sera fait maison. Rillettes de maquereau, pickles, gelée de pieds de porc à l’huile de truffe,… un truc bien viandeux, de quoi te tapisser le gosier pour siphonner une bonne bouteille peinard ». Un délicieux préambule pour attendre avec gourmandise la réouverture.
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Une fin d’année iodée chez Sauvage
Installé sur les hauteurs de Liège dans une villa bourgeoise immaculée, Hyun Frère a rapidement su s’imposer comme une des nouvelles sensations de la gastronomie liégeoise avec son Sauvage aux assiettes inspirées et à la sélection de vins surprenante. Difficile, toutefois, de traduira la composition minutieuse qui va dans chacun de ses plats dans une boîte de carton à réchauffer à la maison. La parade trouvée par le chef durant les fêtes? Proposer de généreux plateaux de fruits de mer, plébiscités par les gourmands de la région. Et si ces derniers ne sont pour le moment plus à la carte, Hyun, lui, continue de se réinventer.
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« On n’a pas vraiment eu une seule adaptation, mais bien plusieurs idées qui ont changé en fonction des problèmes rencontrés. La cuisine de Sauvage, n’est pas très adaptée à l’emporter, et pour que ça soit bon, il faut imaginer des créations dans la même philosophie que celle du restaurant, mais avec un visuel plus brut »
« L’important est le goût et la compréhension du cuisinier, comment il va choisir ses produits et les travailler » explique Hyun Frère, qui veille à rester créatif à l’emporter. Il faut dire que sa clientèle le vaut bien: « on a la chance d’avoir une super et fidèle clientèle, ils sont très contents et m’envoient régulièrement leur avis sur le menu. Sans eux, on ne serait probablement plus là ». Car l’emporter « permet à peine de respirer. La formule est chouette, mais traiteur, c’est un autre métier, et ce n’est pas celui que j’ai choisi. J’aime pouvoir m’attarder sur mes assiettes et prendre du plaisir à recevoir, un peu comme quand on pouvait encore inviter des gens à la maison ». D’ailleurs, ce dont il se réjouit le plus est justement de pouvoir recommencer à recevoir les dîneurs chez Sauvage, et « être libre ». Bientôt, peut-être.
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Au Caffè Internationale, le succès du brunch à emporter plane sur la réouverture
Dire que 2020 aura été un euphémisme pour Chris Vermiglio et Valérie Migliore est un doux euphémisme. Outre la pandémie et son arsenal de mesures sanitaires ayant impacté l’Horeca de plein fouet, le couple de restaurateurs a en effet dû faire face au décès du papa de cette dernière, survenu au plus fort des restrictions concernant les enterrements. Après des mois difficiles, tous deux venant d’Italie et ayant pris rapidement conscience de la gravité du virus avant même que le gouvernement n’impose des mesures, le duo de restaurateurs bien connu de la rue de,la Casquette a eu l’idée de proposer les célèbres brunches dominicaux du Caffè Internazionale en version à emporter. Et tant qu’à faire, de s’amuser un peu avec le contenu de la formule.
« Les brunches du dimanche au Caffè sont régulièrement complets en temps normal, donc on a eu envie d’adapter la formule avec différentes options pour répondre aux envies de chacun de nos clients à la maison »
Saumon fumé, salade de pommes de terre, délices sucrés ou tout droits venus de l’Italie natale de Cris et Valérie… À l’image de l’engouement proposé par le rendez-vous dominical au restaurant, la formule imaginée par les restaurateurs fait mouche.
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Suffisamment pour envisager de la prolonger une fois l’interdiction d’ouvrir levée? « Je ne sais pas, car la livraison demande une certaine organisation et nous n’avons pas encore le don d’ubiquité » sourit Valérie. D’autant qu’en attendant, le duo a eu l’excellente idée de décliner ses délices au pastrami dans une sandwicherie pop up où on retrouvera aussi » des recettes accumulées au fil des années: la fameuse volaille boîte à pain, le poulet hindi avec sa sauce rose, nos sandwiches polpette et bien d’autres, sans oublier des pâtes fraîches, des sauces maisons ! La bolo du Caffè est juste exceptionnelle » se réjouit sa propriétaire. Qui n’a qu’une hâte: retrouver son QG et sa clientèle.
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« C’est d’abord le côté humain qui nous manque. Retrouver mon équipe, mes clients, notre vie, nos espoirs… nos rêves! Et arrêter cette pression qui pèse sur nos épaules et qui n’est plus tenable .. Chaque mois de fermeture nous endettes un peu plus et je me réjouis d’arrêter ce massacre financier et personnel ». D’ailleurs, elle le promet: « quoi qu’il arrive je ne laisserai plus le Caffè Internazionale fermer ». Les accros au pastrami lui disent merci.
Photo de couverture: l’épicerie éphémère du ¡Toma!, immortalisée par Olivier Vanbrabant (Twodesigners)