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Covid-19 Liège Mont Legia - Canva Boulettes Magazine

Le cri d’un survivant du Covid-19 à ceux qui minimisent ses dangers

Alors que la pandémie de Covid-19 ne montre aucun signe de faiblesse et que cette deuxième vague s’annonce bien plus meurtrière que la première, le clan des sceptiques et autres complotistes n’a de cesse de minimiser les dangers de la maladie. Frappé de plein fouet il y a quelques semaines, Alex Cormann a rédigé une lettre ouverte à l’intention du personnel médical qui lui a sauvé la vie, mais aussi de tous ceux et celles qui doutent et mettre les vies des autres en danger. 

La Covid 19, elle est partout, omniprésent dans les médias, plus que jamais dans toutes les rues. Depuis le mois de mars, nos vies ont changé, on vit dans la peur d’être contaminé. J’ai pris toutes les précautions, port du masque, distanciation et contacts réduits au maximum. Je me disais qu’on allait être épargnés, que ce n’était pas pour nous. Puis arriva le vendredi 16 octobre.

Ce jour-là, la maladie a été foudroyante. D’une seconde à l’autre, j’y arrivais plus. Mon état de santé se détériora rapidement. Fièvre, toux, douleurs musculaires, une fatigue énorme, des maux de tête horribles. Commence alors un véritable parcours du combattant pour trouver un moyen de se faire tester, la situation étant déjà hors de contrôle à Liège. Un seul drive-in de testing encore ouvert, il faut y passer la nuit dans sa voiture pour être sûr de pouvoir se faire tester le lendemain, c’est totalement surréaliste. Finalement, après avoir téléphoné chez une vingtaine de médecins, j’en ai trouvé un qui faisait les tests lui-même.

Mardi 20 octobre, ça y est, le test est fait, je serai fixé bientôt.

Mercredi 21, j’ai perdu l’odorat et le goût.

Vendredi 23 octobre, le résultat arrive par SMS. Encore quelques clics, le verdict tombe enfin : positif.

Je le savais déjà, les symptômes ne laissaient planer aucun doute, d’autant que mon état s’était fortement détérioré, j’arrivais plus à respirer, j’étais devenu un légume.

Le weekend, après un coup de gueule de mon épouse, je dois me rendre à l’évidence, il faut se rendre de toute urgence à l’hôpital.

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Les soignants face au Covid-19

C’est là que j’ai finalement atterri au Centre hospitalier Chrétien du Mont Légia à Liège, le plus proche de la maison. Un scanner des poumons et une prise de sang plus tard, verdict fut sans appel, une pneumonie Covid. On m’hospitalise immédiatement et on me met sous oxygène. Je n’en mène pas large, j’ai l’impression que je risque d’étouffer à tout moment, c’est tout simplement horrible. Ce que je vois sur place me laisse sans voix, on me met dans une nouvelle zone transformée pour le COVID, la 6e, la 7e, ils ne savent pas eux-même, ils ne compte plus. Je me retrouve dans le service de gynécologie, entouré de sages-femmes.

« Plus question d’être en isolement seul dans une chambre, la situation est telle que chaque lit compte. Moi j’ai de la chance, on me trouve une place dans une chambre avec un gentil petit monsieur de 74 ans, qui m’apprend que le lit dans lequel je viens de me coucher était celui de son épouse, qui vient d’être transférée aux soins intensifs, couchée sur le ventre et intubée. Le lendemain, elle a été plongée dans un coma artificiel pour une durée de deux semaines ».

Covid-19 Liège Mont Legia - Canva Boulettes Magazine

À l’hôpital, il ne faut pas longtemps pour réaliser la gravité de la situation. Le personnel soignant est complètement dépassé et épuisé face à l’afflux de patients dont la plupart sont dans un état sérieux, nécessitant des soins lourds. Des gens en détresse respiratoire, qui vomissent, qui ne contrôlent plus rien malgré les langes et défèquent partout, à peine changés, c’est parti pour le suivant. Le personnel n’a plus le temps de manger, encore moins de se reposer, les couloirs où le personnel de l’hôpital se mèle à des infirmières indépendantes et à des étudiants en médecine, tous volontaire pour lutter contre cette crise hors de contrôle/

« À l’épuisement s’ajoute les protocoles très lourds dans les stations COVID. Chaque fois qu’un soignant entre dans une chambre, il doit enfiler une tenue de protection encombrante, une charlotte, deux paires de gants, sans oublier les masques et les visières. On change de gant pour examiner l’autre patient de la chambre, et quand on la quitte, c’est toute la tenue qui doit être enlevée pour être incinérée, puis c’est la désinfection avant de tout recommencer pour la chambre d’à côté. C’est extrêmement épuisant à répéter à longueur de journée, sans parler de la peur de tomber malade et de contaminer sa famille en quittant l’hôpital ».

Je suis admiratif de toute l’énergie mise en œuvre pour rassurer, encourager et soigner les patients. Comment font les soignants pour être aussi souriants et prévenants ? Où vont-ils chercher cette énergie ? Trois jours après mon admission, on m’annonce que je fais partie des chanceux: ma saturation en oxygène reste stable, je peux sortir dès le lendemain. La doctoresse arrive dans ma chambre, m’annonce la bonne nouvelle, et me dit que malheureusement, c’est la seule qu’elle ait pour moi.

Elle m’explique que je vais devoir rester chez à la maison pendant les trois prochains mois au moins, que la fatigue et l’essoufflement vont persister pendant plusieurs mois encore, sans oublier d’autres effets secondaires, comme les problèmes de concentration, qui peuvent aussi perdurer. J’ai rendez-vous en décembre pour un scanner des poumons afin de s’assurer que je n’ai pas de lésions qui persistent. Je n’ai eu qu’une pneumonie COVID sans complications, c’est quoi le tarif pour les pauvres gens qui sont dans le coma ?

« Votre égoïsme tue »

De retour chez moi, je suis fatigué, les quelques pas jusqu’à la voiture m’ont déjà épuisé. C’est l’heure du journal télévisé, je vois le ministre de la santé au Mont Légia, visiblement ému et choqué par ce qu’il a vu et vécu. Je vois les images terribles de ces 17 personnes entassées dans une pièce mal adaptée, intubées, sous respirateur, dans le coma. Je vois le personnel qui est à leur chevet, qui court depuis plus de six heures dans tous les sens, qui n’a même pas eu le temps de manger. Je prends conscience de ce à quoi j’ai échappé, je craque.

Je me rends compte à quel point cette pneumonie m’a traumatisé, je suis terrifié, je réalise que ce que j’ai vu n’était qu’un maigre aperçu de la réalité. Je ne sais pas comment le personnel soignant arrive encore à vivre normalement.

« Sachez mesdames (dans mon cas, je n’ai eu que des femmes à mon chevet), que vous êtes la plus grande fierté de ce pays. Ce que vous faites n’est pas que votre métier, cela va bien au-delà. Vous êtes les héroïnes de cette guerre contre la Covid-19. Plus jamais je ne porterai le même regard sur vous. Vous avez mon plus grand respect et ma plus grande gratitude pour tout ce que vous faites. Je vous serai éternellement reconnaissant et j’espère que la reconnaissance viendra aussi des autorités, il serait temps ! »

Merci mille fois pour tout ce que vous avez fait pour moi et pour tous les autres patients. Vous avez tout mon respect et mon admiration. J’ai commencé à rédiger cette lettre à quatre heure du matin, en pleine insomnie, hanté par toutes ces images, le souffle court, et je l’ai terminée vers 7h avant d’hésiter à la poster. Mais je sais que je dois le faire.

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« Je me dois de la publier, pour tous ces cons qui pensent que le masque ne sert à rien, qui crient au scandale et qui disent que c’est une atteinte à leurs libertés. À tous les crétins qui ne respectent pas les interdictions de rassemblement, qui infectent les autres sans se soucier, qui ont grandement contribué à la propagation rapide de cette maladie. À tous les imbéciles qui continuent de se faire la bise comme si tout cela n’existait pas. Quand ce sera votre tour, j’espère que les hôpitaux pourront encore vous trouver une place. Le personnel soignant ne fera pas la différence, moi je ne sais pas si je pourrais ».

Réfléchissez avant d’organiser vos petites soirées clandestines. Avec le taux d’infection actuel, 15 personnes au même endroit pour une petite soirée bien arrosée, cela se traduit en quelques jours par des centaines de personnes infectées. Vos parents, vos frères et sœurs, vos grands-parents. Soyez conscients que parmi ces personnes, il y en a qui mourront, d’autres qui garderont des séquelles pendant de très longs mois, voire à vie. Des études qui ne pourront plus être poursuivies, des destins brisés, tout cela pour une petite soirée entre copains ?

Si c’est toujours ce que vous voulez et ce qui vous manque le plus, sachez que vous êtes irrécupérables et tout simplement des assassins. On devrait vous condamner à des travaux d’intérêt général dans les hôpitaux, de préférence en réa.

Votre égoïsme tue et ça, c’est criminel.

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