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Une journée avec un garde-forestier dans les Hautes Fagnes - DR Boulettes Magazine Unsplash

Une journée dans la peau d’un garde-forestier des Hautes Fagnes

Envie de vous la jouer « Into the Wild », mais sans la mort malencontreuse par empoisonnement de préférence? La Wallonie recèle de coins merveilleux et préservés qui n’attendent que d’être explorés, à commencer par les paysages de la réserve naturelle des Hautes Fagnes. Où nous avons accompagné un garde-forestier, Thomas Wislet, pour en savoir plus sur son travail.  

Lequel est de taille, puisque la réserve naturelle des Hautes Fagnes, qui se situe dans le parc forestier du même nom, représente environ cinq mille hectares de vallées, de cours d’eau et de forêts, au cœur d’un écosystème parfois menacé par différents facteurs. Déchets, destruction de nids ou encore surpopulation de cervidés, la gestion d’une beauté aussi vaste ne se fait pas toute seule et le garde-forestier a un rôle important à jouer.

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Garde-forestier Hautes Fagnes Wallonie DR Boulettes Magazine

Thomas Wislet exerce ce métier depuis 2016, et a accepté qu’on le piste une journée durant à la sortie de l’hiver, ce qui nous a donné l’occasion d’approcher de plus près la vie sauvage qui caractérise les Hautes Fagnes ainsi que de découvrir quelques zones de la réserve interdites au public. En route, mauvaise troupe!

Vis ma vie de garde-forestier

La journée commence à 08h30, avec un ciel brumeux, de la neige, le sourire aux lèvres et un enthousiasme non feint. Thomas nous ouvre les portes de sa Jeep et nous voilà en route vers les profondeurs de la réserve, où la première personne que l’on croise est un vendeur de bois. Pas si surprenant puisqu’une des premières missions de tout garde-forestier est la sylviculture, soit, pour les nuls au Scrabble, la gestion de la forêt sous tous ses angles (environnementaux, économiques et sociétaux). Cela implique notamment le recensement de certaines espèces sauvages, mais également la régulation, entre autres, des espèces exotiques invasives, comme les ratons laveurs par exemple. Ce dernier aspect est malheureusement nécessaire à l’équilibre de l’écosystème qui ne pourrait survivre autrement.

« On commençait à avoir des maladies et de la malnutrition, ils étaient squelettiques, c’était monstrueux. Mais on avait l’exemple parfait : voilà ce qu’il se passe quand on ne chasse pas. Une surpopulation et on a failli perdre tout le gibier » Thomas, garde-forestier.

N’en déplaise à celles et ceux qui s’y opposent, la chasse se fait exclusivement pour réguler l’écosystème. Et toujours avec des mesures strictes, autant dans la manière de faire que dans le nombre d’animaux autorisé à être tué.

“ Donc voilà, le garde forestier a deux grandes missions. La partie protection/gestion de la forêt dont on vient de parler et la partie policière”, nous dit Thomas.

Car les règles et régulations en vigueur existent pour protéger toutes les formes de vie de la réserve, et il s’agit pour Thomas et les autres gardes-forestiers de les faire respecter. Alors que nous nous dirigeons vers notre prochaine activité, une visite de la Maison du Parc, un husky sans laisse se balade dans la réserve et, l’air de rien, c’est tout l’équilibre de l’écosystème qui est mis en danger.

La fragilité des nids au sol ou encore la réaction désorientée des animaux sont deux des raisons pour lesquelles les chiens en liberté sont interdits. Les barrières, quant à elles, sont érigées devant des chemins hors d’accès car ceux-ci peuvent être sujets aux incendies (la barrière est alors temporaire). Ou bien, elles peuvent être permanentes et définissent une zone c, zone interdite à tout passage. Dès lors, le respect de ces législations assure la protection de la vie sauvage.

C’est d’ailleurs pour cela que Thomas, carnet à la main, n’hésite pas à verbaliser les randonneurs qui enfreignent le règlement. Non pas par plaisir, mais parce que le sens du devoir et la sécurité de la nature passent avant tout. Bon à savoir, au cas où vous seriez pris la main (ou plutôt la laisse) dans le sac: le garde forestier a les mêmes prérogatives qu’un officier de police judiciaire, il peut donc dresser des procès-verbaux et porte une arme à la ceinture.

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Légendes des Hautes Fagnes

 « Parfois tu es dans le noir, tu entends des bruits, des animaux et tu ne sais pas ce que tu entends. Tu comprends pourquoi, dans le temps, on inventait des légendes. Ici, il y a plein de légendes de fantômes de herdiers, ceux qui faisaient pâturer les bœufs. Un jour j’étais dans la réserve, il y avait du brouillard et j’entendais des voix, je me suis dit : mais il y a des gens ! Ça tournait autour de moi. Je suis arrivé tout près et c’étaient des grues qui étaient en train de caqueter… » raconte Thomas.

Et de partager une autre histoire, tragique celle-ci, la légende de la croix des fiancés. Celle de deux amoureux, Marie et François, qui se seraient perdus dans les Hautes Fagnes alors qu’ils étaient en chemin pour rejoindre la commune et se marier. Ils se seraient égarés dans la neige et seraient morts alors d’hypothermie. Et la légende de raconter que François aurait glissé un billet dans le corsage de la demoiselle : « Marie vient de mourir, et moi je vais le faire »Propices à l’exploration et au vagabondage (sur les sentiers balisés), les Hautes Fagnes sont également un terreau fertile pour l’imagination.

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Et s’il s’agit de préserver la nature, rien ne vous empêche de dégoter l’un ou l’autre souvenir à la Maison du Parc, dont la boutique rassemble miel local, confiture, bières, bougies artisanales ou encore livres éducatifs, un petit arrêt casse-croute dans la cafétéria étant également possible, ainsi que la découverte de deux expositions. La première est une exposition permanente sur l’histoire et le fonctionnement des Hautes Fagnes et la deuxième, quant à elle, est centrée sur les loups du territoire et pilotée par le WWF. Cette dernière, ludique et sensorielle, offre de nombreuses infos sur la gestion des loups et leur influence sur la réserve et le parc naturel.

Last but not least, la Maison du Parc propose également un service d’information pour toute personne qui souhaite organiser sa journée dans les Hautes Fagnes. Balades suggérées, réglementation actuelle, horaires, biodiversité, apprentissages, toutes les informations dont vous avez besoin pour passer un agréable moment se trouve -très probablement- ici. Mais assez passé de temps à la Maison, la nature nous attend!

Souriez, vous êtes filmés!

En l’occurence, nous voilà en route pour la dernière activité de la journée : la vérification des pièges caméras. Pendant que nous nous dirigeons vers notre destination, les vitres de la Jeep laissent entrapercevoir les arbres enneigés et les feuillages orangés. La neige craque sous les pneus de la vieille voiture tandis que les essuie-glaces se balancent dans un grincement répétitif.

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Camera trap Hautes Fagnes garde-forestier DR

Une fois arrivés, nous continuons le chemin à pied parmi les hautes herbes et les buissons, jusqu’au premier piège caméra, accroché sur un arbre. Celui-ci se trouve dans une partie interdite d’accès, à moins d’être accompagné d’un garde forestier. Le boitier dans lequel se trouve l’appareil est dissimulé grâce à ses motifs camouflés. Notre guide prend alors la caméra et direction la maison pour visionner les photos, les dispositifs permettant au garde-forestier de recenser les espèces grâce au détecteur de mouvement qui se déclenche à chaque fois qu’un animal passe devant.. Ou que l’ombre d’un arbre se reflète sur le sol, ce qui rend le triage ardu si l’on en croit Thomas : “Ah ça c’est chi**t !”.

Pièges caméra chasse Hautes Fagnes garde-forestier DR

Sur l’écran, les photos se succèdent dans un tourbillon d’instants fragiles, figés dans le temps : renard nonchalant, chat sauvage gambadant, loup surpris ou garde forestier en uniforme, rien n’échappe au détecteur de mouvements affuté. Une fois le triage fini, Thomas envoie les photos au DEMNA (Département de l’Étude du Milieu Naturel et Agricole) qui en tirera une tendance. Notre mission de garde-forestier d’un jour se termine alors à 18h30 avec les joues rougies par le froid, un regard émerveillé et un témoignage d’une nature fragile mais puissante. Un paradoxe époustouflant qui rappelle Rumi: « derrière chaque atome de ce monde, se cache un univers infini ».

Envie d’en juger par vous-même? 

Pour toute information, vous pouvez vous rendre sur place à la Maison du Parc ou visiter leur site internet : ici !

 

Couverture: photo prétexte / Unsplash

 

 

 

 

Passionnée par les mystères du monde et l’aventure, Ines est actuellement étudiante en communication pour devenir journaliste. Son amour pour la vie la guide dans chaque projet qu’elle entreprend, et c’est d’ailleurs grâce à cela qu’elle a atterri chez Boulettes. Son but ? Aller à la découverte de nouvelles contrées -proches ou lointaines- et partager les histoires touchantes dont elle est témoin