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élu et élues liégeoises en confinement - Unsplash - Adam Niescioruk

Les élu.e.s liégeois.es partagent leurs leçons du confinement

Qu’ils siègent au Collège ou sur les bancs de l’opposition, nos élu.e.s ne sont pas resté.e.s les bras croisés face à la crise du Covid-19. Ces femmes et hommes politiques sont aussi des citoyens, des enfants, des parents, forcés comme tout le monde de faire avec. Confinés, mais pas muselés, ils nous livrent leur expérience du confinement, entre regards citoyens et politiques.

Après avoir recueilli le témoignage du Bourgmestre de Liège face à l’épidémie de Covid-19, nous sommes allés à la rencontre des élues et des élus de la Cité ardente, qu’ils siègent au sein de la majorité ou sur les bancs de l’opposition. Reconnaissants, confiants, révoltés ou meurtris, ils sortent, comme nous tous, d’une période hors du commun qui n’aura laissé personne indifférent.

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À l’heure du (presque) retour à la normale, ils nous confient leurs espoirs, leurs craintes et leurs reproches. Julie Fernandez Fernandez (PS), Christine Defraigne (MR), Gilles Foret (MR), Caroline Saal (Vert Ardent), Quentin Le Bussy (Vert Ardent), François Schreuer (Vega) et Benjamin Bodson (cdH) ont répondu à nos questions. Nous en avons extrait des morceaux choisis.

Ce que le confinement leur a appris

Pour Gilles Foret, le confinement a révélé l’incroyable capacité d’adaptation de la Ville, mais aussi de ses habitants : « personne n’était préparé à une crise de cette envergure (…) grâce à la bonne coopération entre les différents acteurs, celle-ci a été surmontée de manière plus qu’honorable ». Pour Julie Fernandez Fernandez, qui siège également au sein de la majorité, la crise aura avant tout été l’occasion de se recentrer : « mieux distinguer l’essentiel de l’accessoire tout en soulignant l’importance du lien social qui nous unit à nos familles et à nos proches ». Échevine des Solidarités, de la Cohésion sociale et des Droits de la Personne, Julie Fernandez Fernandez rappelle aussi l’effet de catalyseur d’une telle crise sur les inégalités : « nous avons une fois de plus constaté que les écarts au sein de la population sont flagrants. Un de nos objectifs prioritaires doit être de les réduire ».

Publiée par Julie Fernandez Fernandez sur Mercredi 14 février 2018

Une croissance des inégalités que regrette aussi François Schreuer. S’il salue les efforts et l’engagement de ceux qui se mobilisent dans des initiatives de solidarité, il reste qu’à ces yeux, c’est loin d’être suffisant : « dans l’ensemble, la société me semble encore très insuffisamment déterminée à ne laisser personne dans la pauvreté ».

Aux symptômes de la pandémie, Caroline Saal préfère pour sa part souligner les causes.

« La saga des masques a rappelé combien nous étions impréparés et otages de la délocalisation de notre économie ».

Si l’élue Vert Ardent regrette de devoir jouer les oiseaux de mauvais augure – « on dit souvent des écologistes qu’ils sont catastrophistes » – pour elle, la leçon est sans appel : « il faut construire un monde nouveau (…) un monde préparé aux chocs ». Un constat que partage son colistier, Quentin Le Bussy : « nous ne sommes pas prêts pour un monde avec des tensions croissantes, des ressources qui se raréfient, des conditions de vie à la fois plus dures, plus stressantes et plus complexes ».

Plutôt que de tirer prématurément des leçons, Christine Defraigne préfère pour sa part s’interroger sur la pertinence des mesures prises pour éviter la propagation du Covid-19, notamment le confinement généralisé, qu’elle qualifie de « technique moyenâgeuse ». Pour la première échevine si la crise rappelle « la vulnérabilité de l’espèce humaine », c’est à une commission d’enquête qu’il appartient désormais de faire le point. Penseuse libérale, l’ancienne présidente du Sénat se dit toutefois interpellée par la force des mesures prises pour lutter contre la pandémie :

« Je m’interroge plus philosophiquement aussi, et c’est légitime, sur le fait que nous ayons dû tous renoncer, sans la moindre protestation, à nos libertés fondamentales ».

Publiée par Christine Defraigne sur Mercredi 20 juin 2018

Plus léger, Benjamin Bodson préfère lui se livrer à une observation de terrain : « il y a beaucoup trop de voitures qui circulent à Liège ! ».

Ce qu’ils feraient différemment

Échevine au sein de la majorité communale, Julie Fernandez Fernandez souhaite avant tout   saluer le travail accompli par la Ville, compte tenu du caractère et de l’ampleur inédits de la pandémie : « dans les conditions que nous avons connues, avec un confinement annoncé du jour au lendemain, nous avons fait de notre mieux ». Un avis que nuance Gilles Foret, sans toutefois le contredire.

 « à refaire, bien sûr que certaines décisions auraient pu être anticipées ou mieux communiquées. Mais c’est toujours plus facile à analyser après-coup ».

Au sein du collège, Christine Defraigne se montre nettement plus critique. Interrogée, la Première échevine n’hésite d’ailleurs pas à pointer du doigt les mesures qui, tous niveaux de pouvoir confondus, auraient selon elle dû être rapidement mises en œuvre : « des masques dès le début de la pandémie, recourir au testing généralisé et des mesures prises avant et pendant les vacances de Carnaval, comme le confinement ciblé des personnes de retour d’Italie et des plus fragiles ou encore la prise de température dans les aéroports ».

Pour Caroline Saal, également critique du confinement généralisé, des aménagements locaux auraient dû être envisagés de façon à rendre le lockdown plus supportable pour les personnes dans des situations précaires, ou confinées dans des habitations exigües. L’élue Vert Ardent regrette par exemple que la Ville n’ait pas suivi la proposition de son groupe de piétonniser certaines rues, pour permettre aux personnes de sortir prendre l’air tout en respectant les distances de sécurité. De même, la conseillère écologiste dénonce « le camp de SDF proposé par la Ville et la Province » qui constitue selon elle « une faute en termes de dignité humaine ». Pour l’élue, il eût fallu réquisitionner des hôtels pour accueillir ces personnes.

À l'occasion de la journée mondiale de la bicyclette (https://bit.ly/36XCJa7), Vert Ardent vous invite à inonder les…

Publiée par Caroline Saal sur Mercredi 3 juin 2020

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Critique lui aussi des mesures mises en œuvre, François Schreuer n’hésite pas à parler d’un « amateurisme criminel » pour dénoncer la gestion de la crise en Belgique. Et l’élu de renvoyer le gouvernement fédéral devant ses responsabilités.

« le gouvernement fédéral dirigé par le MR a démantelé nos défenses puis sous-estimé le danger pendant des semaines et des semaines, gaspillant un temps tellement précieux ».

Pour lui, « Beaucoup de vies auraient pu être sauvées sans ces errements à répétition ». Comme Caroline Saal, le conseiller communal regrette également le caractère trop linéaire du confinement : « Il devrait être possible de moduler les mesures pour tenir compte des situations les plus difficiles, je pense notamment aux familles vivant dans des logements trop petits et dépourvus d’espace extérieur »

Publiée par François Schreuer sur Mardi 4 août 2015

Rétrospectivement, pour certains élus, les leçons à tirer sont avant tout personnelles. Si c’était à refaire, Benjamin Bodson nous confie qu’il aurait aimé faire « du volontariat les weekends, dans une maison de repos par exemple », même s’il souligne que faire son boulot à 200% lui semblait être « le meilleur service à rendre ! ». Papa de trois jeunes enfants, Quentin Le Bussy, déclare de son côté « pouvoir encore faire mieux pour s’entraider » que ce soit en famille ou entre amis. Sur le plan personnel toutefois, s’il pouvait revenir en arrière, ce sont les adieux à sa maman qu’il aurait souhaités différents :

« Nous avons vécu dans ma famille un deuil inopiné et assez affreux. Notre maman est décédée pendant la période « extrême » du confinement et nous n’avons pas pu lui rendre visite pendant quasiment dix jours alors qu’elle était aux soins intensifs du CHU. Comme je l’ai souvent dit « les circonstances ajoutent à la peine »… et ce ne sont pas que des mots. Alors forcément j’ai de l’empathie pour toutes les personnes qui ont perdu des proches à cause du Covid, ce qui n’était pas notre cas, et pour les équipes médicales, qui ont été formidables ».

Leurs espoirs et leurs craintes

Pour la plupart des élus interrogés, la crise du Covid-19 représente une fenêtre d’opportunité pour accélérer la transition vers des modes de vie plus durables. C’est l’espoir que porte, entre autres, Caroline Saal : « Mon espoir est que ces leçons tirées permettent de faire de Liège une ville verte, saine, respirable. Notre santé ne se soigne pas uniquement dans les hôpitaux ». Un avis que partage François Schreuer : « J’espère qu’un très grand nombre de personnes observeront les nombreux points communs qui existent entre l’épidémie et le changement climatique — même si ce dernier est une menace d’une ampleur incommensurablement plus grande pour la civilisation humaine », mais également que Gilles Foret :

« je vois dans cette crise l’opportunité de s’engager d’autant plus rapidement dans la transition écologique de la Ville (…) nous ne devons pas perdre de vue les enjeux climatiques et les changements sociétaux durables qu’il nous faut mettre en place ».

Publiée par Gilles Foret sur Mardi 4 février 2020

Parmi les élus liégeois, certains se montrent toutefois inquiets et craignent qu’une fois le momentum passé, les espoirs s’envolent avec le réalisme de la reprise. Pour ces derniers, il est donc essentiel d’agir maintenant. C’est le cas de Julie Fernandez Fernandez : « Mon espoir est que cette solidarité perdure et que l’on puisse bâtir le monde de demain autour de ces valeurs solidaires. Ma crainte est que rien ne change et que l’on revienne au monde d’avant ». C’est aussi le cas de Benjamin Bodson, qui craint : « que certain-e-s oublient trop vite cette période et retournent à leur train de vie d’avant la crise ». Une inquiétude à laquelle l’élu humaniste en ajoute une crainte quant à la stabilité des démocraties, qu’il juge : « bien fragiles et peu résilientes à certains égards face à une telle pandémie ». Pour Benjamin Bodson, il faut « penser la participation et le débat d’une manière qui transcende les crises ». Une peur de l’inertie que partage également Quentin le Bussy :

« ma crainte numéro un, c’est qu’on est gouvernés avec une agilité de type ex-RDA et passé les moments d’énervement et de colère je suis devenu assez défaitiste là-dessus. En tant que Liégeois, en tant que parent, en tant que commerçant, en tant qu’élu : ça ne va pas évoluer positivement dans les mois qui viennent ».

Publiée par Quentin le Bussy sur Samedi 25 mars 2017

Plus prosaïque, Chrstine Defraigne s’inquiéte quant à elle de la reprise économique, dont elle redoute les effets au niveau local : « ma crainte se situe plutôt au niveau socio-économique, car les effets de cette crise sont désastreux, je pense à la destruction de nos commerces, de notre Horeca, par exemple. Les effets de cette crise socio-économique ne font que commencer. Il nous faudra un véritable plan de relance ».

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Leur regard sur le les Liégeois.es

À la quasi-unanimité, tous les élus interrogés saluent l’engagement des Liégeoises et des Liégeois, qui ont fait contre mauvaise fortune bon cœur. Là où Julie Fernandez Fernandez parle d’un « raz de marée solidaire », Christine Defraigne loue le courage des Liégeoises et des Liégeois qui « savent faire face à l’adversité, savent rebondir, faire preuve de créativité et de solidarité ». Et celle-ci de rappeler la célèbre maxime de Michel de l’Hospital : « Toujours les Liégeoises et les Liégeois ont relevé la tête ». Comme le dit Benjamin Bodson : « on ne refait pas un-e Liégeois-e : valeureux/se et chaleureux/se, même dans l’adversité! ».

T’as comme qui dirait des réflexes innés quand tu bosses pour une université catholique et interviens dans une conférence dans une autre université catholique.😂🙏🏻😇 #UCLouvain

Publiée par Benjamin Bodson sur Mercredi 20 novembre 2019

Un courage et une solidarité que soulignent aussi les élus Vert Ardent. Que ce soit Caroline Saal – « Mes premiers masques, je l’ai reçu de mes proches. Très vite, des femmes, essentiellement, se sont renseignées, et se sont mises à coudre pour leur entourage. Cela a montré combien les citoyens sont de véritables acteurs politiques, des bâtisseurs eux aussi » – aussi bien que Quentin Le Bussy : « Je les ai trouvés incroyablement solidaires, passé le moment de stress et de course au PQ (…) À défaut d’avoir des dirigeants qui sont réactifs, Liège a des habitants qui ont du coeur, et ce n’est déjà pas si mal ».

Reste qu’une fois la tempête passée, le Liégeois se montre moins discipliné, c’est là son moindre défaut. Solidaire oui, mais parfois un peu incivique aussi, comme le regrette Gilles Foret :

« Les Liégeois ont également été dans l’ensemble exemplaires vis-à-vis du respect des consignes de sécurité (…) À l’heure du déconfinement, nous devons malheureusement constater que certains citoyens ne respectent pas nos espaces publics et nos travailleurs de la propreté. Ces incivilités environnementales ne peuvent plus rester impunies. Nous devons augmenter le curseur répressif ».

En marge, seul François Schreuer refuse de porter un regard spécifique sur le comportement des Liégeois.es pendant la crise. Un comportement dont il dit « ne pas (en) avoir la moindre idée ». Pour lui « les Liégeois — et je m’inclus bien sûr parmi les destinataires de cette préconisation — devraient peut-être un peu moins souvent se demander ce qui les distingue du reste de l’humanité et un peu plus souvent se demander ce qui les lie à celle-ci ».

Comment, le Liégeois ne serait-il pas unique au monde ? Une interrogation à laquelle le célèbre accent de nos régions semble apporter un élément de réponse.

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Explorateur du quotidien, Clem vit sa ville entre de multiples jungles, qu'il parcourt bras dessus, bras dessous aux côtés de Kath. Reporter pour Boulettes, Le Vif et Saveurs, il profite de la vie comme on croque un fortune cookie, intensément, tout en se remémorant ce proverbe : “life is like a roll of toilet paper. The closer it gets to the end, the faster it goes”