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Les Grignoux face au Covid-19

Après de longues semaines de confinement, l’horeca et le secteur culturel semblent enfin voir le bout du tunnel créé par le covid-19, même si, pour Les Grignoux, le rideau n’est pas encore totalement levé. Après trois mois d’arrêt, c’est toute l’industrie du cinéma qui est aux abois, avec des répercussions sur la distribution. Une pierre supplémentaire au fardeau des cinémas indépendants, qui n’ont que peu d’espoirs quant à un retour rapide à la normale.

En janvier 2020, les Grignoux avaient pourtant démarré l’année du bon pied. Après des années parfois difficiles, les cinémas du groupe renouaient avec la croissance et affichaient, collectivement, un bilan largement positif de 608.000 entrées en 2019. Des chiffres d’autant plus encourageants qu’ils semblaient indiquer une forme d’équilibre chez les cinéphiles, entre VOD, streaming et grand écran. Il faut dire aussi que 2019 avait pu s’appuyer sur certaines pépites qui ont pu ramener le grand public vers le cinéma d’auteur.

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Pour Lo Maghuin, responsable de la promotion pour les Grignoux, la recette de ce succès repose sur un subtile équilibre entre la programmation, le respect de l’œuvre au travers de conditions de visionnement optimales et toutes les plus-values que le cinéma apporte aux films :

« Que ce soit la présence de l’équipe du film ou l’organisation de débats autour de la thématique d’un film, les rencontres que nous mettons en place enrichissent le film, incitent les spectateurs à venir les découvrir puis, par la suite, à en parler autour d’eux ». Lo Maghuin, responsable de la promotion pour les Grignoux.

Dernière séance

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Ca, c’était avant le grand confinement et la fermeture des salles de cinéma pour une durée alors indéterminée. « Conscients de notre responsabilité, nous avons tout fermé dès le 13 mars, ce  qui a été compliqué au niveau logistique, tant pour les cinémas que pour la partie horeca » explique Lo Maghuin. « Il a fallu très vite trier et organiser la distribution de la nourriture et des produits, de manière à éviter le gaspillage ».

Passé le premier choc, il a ensuite fallu poser une série de choix et définir une stratégie de confinement et s’y tenir. Malgré la détente progressive, pas question pour le groupe de se lancer à la va-vite dans l’organisation de cinémas plein air ou de drive-in ponctuels. « C’est compliqué, nous confie Lo, si on fait des projections plein air, doit-on faire payer les spectateurs alors que nous avons toujours fait cela gratuitement ? A l’inverse, organiser de telles projections sans la brasserie aurait occasionné un vrai manque à gagner, car il faut du personnel nombreux pour gérer du public ». A cheval entre le secteur culturel et le secteur horeca, il faut dire que les Grignoux ont été particulièrement mal pris par la crise du covid-19. « C’est compliqué », confiait encore sobrement Lo il y a quelques jours de cela. Une situation que les récentes déclarations gouvernementales devraient permettre de clarifier.

« Le concept « Grignoux » va au-delà de la salle de cinéma. C’est un acte éminemment social, qui s’accompagne souvent d’un verre ou d’un repas partagé en famille ou entre amis. La réouverture des salles de cinéma sans les brasseries serait pour nous très délicate, et vice-versa ».

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La réouverture de l’horeca prévue pour le 8 juin et la réouverture des cinémas au 1er juillet ne régleront pourtant pas tous les problèmes. Après un printemps de disette, les cinémas ont peu d’espoir d’assister à un été du tonnerre. En l’espace de trois mois de lockdown, c’est toute la chaîne de production cinématographique qui a été fragilisée. Une mise à mal qui risque de longtemps se faire sentir dans les salles. « C’est un des paramètres qui nous tracasse beaucoup, explique Lo Maghuin. Les distributeurs veulent des salles pleines pour leurs films, et préfèrent postposer les sorties de plusieurs mois que de risquer de perdre de l’argent à cause de salles à moitié vides. Le moment venu de rouvrir, nous craignons de ne pas avoir beaucoup de films à proposer à nos spectateurs lors de la réouverture. Et ne parlons pas des blockbusters, aux abonnés absent. Ma collègue en charge de la programmation négocie actuellement avec tous les distributeurs pour trouver des solutions ».

Projections stratégiques

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Un constat d’autant plus préoccupant que le streaming, déjà populaire avant la crise, est un des grands gagnants du confinement. Une concurrence féroce qui grignote chaque jour un peu plus les privilèges autrefois réservés aux seules salles de cinéma. Distributeurs, mais également producteurs de contenu, les plateformes de streaming repoussent les cinémas dans les cordes, que ce soit en diffusant leurs films en avant-première via leur propre canal comme ce fut le cas de Netflix avec The Irishman ou en réduisant les délais de sorties exclusives dans les salles. « Nous nous battons depuis longtemps pour que la « chronologie des médias » soit respectée. Netflix et Amazon, et vraisemblablement Disney très bientôt, sont économiquement assez puissants pour mettre l’ensemble des cinémas devant le fait accompli et dicter leurs propres lois. Il faut des directives gouvernementales pour faire respecter cette chronologie des médias » déplore Lo Maghuin, qui se veut malgré tout rassurante : « le métier d’exploitant de salles de cinéma change tous les jours, et une réflexion sur le cinéma de demain est plus que nécessaire. Tout le monde doit se mettre autour de la table : distributeurs, exploitants de salles et exploitants de VOD. Ces derniers ne sont pas nécessairement des concurrents, j’en veux pour preuve la très chouette initiative de la plateforme « Ciné chez vous » qui, lorsque vous louez un film, reverse une quote-part à la salle de cinéma de votre choix.

Justement, le futur du cinéma, comment le voit-on au Grignoux ? Face à la concurrence des géants du web, Lo Maghuin se refuse à limiter le salut du cinéma aux seules innovations technologiques : « je ne crois pas au « tout technologique » dans le cinéma de demain. C’est une niche, qui a bien évidemment sa place, mais qui ne convient pas à tout le monde ni à tous les films. Prenons la plus « simple » et la plus répandue : la 3D. Les personnes avec une déficience visuelle ne voient pas en 3D. Les personnes astigmates non plus. Les personnes borgnes non plus. Je connais beaucoup de personnes qui se plaignent de maux de tête après un film en 3D…  et c’est sans parler des films ! Prenons la dernière Palme d’or à Cannes, l’excellent « Parasites », ce film aurait-il eu une quelconque plus-value à être réalisé en 3D ? ».

Le cinéma, c’est la vitrine de nos vies, de nos sentiments, de nos rêves…  Lorsque le cinéma s’éloigne trop de son public, quelque part, il « perd son âme »…  Nul doute pour moi que le cinéma de demain ressemblera à l’homme de demain. Lo Maghuin.

Aux innovations technologiques, les Grignoux semblent privilégier l’innovation sociale pour affronter l’avenir. Ciné plein air, verres entre amis et rencontres avec les réalisateurs… et si c’était ça, la recette du bonheur ?

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Explorateur du quotidien, Clem vit sa ville entre de multiples jungles, qu'il parcourt bras dessus, bras dessous aux côtés de Kath. Reporter pour Boulettes, Le Vif et Saveurs, il profite de la vie comme on croque un fortune cookie, intensément, tout en se remémorant ce proverbe : “life is like a roll of toilet paper. The closer it gets to the end, the faster it goes”